
«Plus de 5 ans pour en arriver à cette décision», explique la Sénatrice de Saône-et-Loire qui a mené le combat.
Communiqué :Depuis 2017, je m'attache à obliger ces sites à
contrôler l'âge de leurs visiteurs. Les images pornographiques, de plus
en plus violentes ont un impact majeur sur les enfants. Penser que cela
n'a aucune incidence sur leur construction sexuelle, leur estime
d'eux-mêmes et sur le rapport entre les hommes et les femmes - un
rapport de soumission voire de brutalité - est irresponsable.
Dans la
nuit du 9 au 10 juin 2020, j'ai fait voter un amendement imposant le
contrôle de l'age. Le gouvernement a alors attendu 14 mois pour prendre
le décret d'application. Puis un interminable feuilleton judiciaire s'en
est suivi, les sites cherchant à s'opposer par tous les moyens à mon
amendement.
Des victoires, il y en a eu. La Cour de cassation
elle-même a tranché le 5 janvier 2023 en soulignant que le contrôle de
l'âge des visiteurs est « nécessaire, adapté et proportionné à
l'objectif poursuivi par le législateur de prévention de l'accès des
mineurs aux contenus pornographiques sur internet ». Le Conseil d'État,
le 6 mars 2024, a écarté les critiques formulées à l'encontre du décret
du gouvernement et donc de mon amendement. Ceci n'a pourtant pas suffi,
et nos enfants se trouvaient toujours en danger.
Le 21 mai 2024, le
gouvernement a complété mon amendement dans son projet de loi visant à
sécuriser et réguler l'espace numérique : il a élaboré avec l'Arcom - le
régulateur de la communication audiovisuelle et numérique - un
"référentiel", soit des exigences techniques auxquelles doivent répondre
les systèmes de vérification d'âge tout en respectant la vie privée des
utilisateurs. Mais, dans un souci de conformité avec le droit européen,
la mesure n'est valable que pour les plateformes établies en France et
en dehors de l'Union européenne. Ainsi, depuis le 11 janvier 2025, les
sites en question ont pu recourir, à titre transitoire, à la carte
bancaire pour contrôler les usagers. Depuis le 11 avril dernier, ils ont
l'obligation de proposer une solution définitive, avec au moins un
dispositif de vérification d’âge en « double anonymat ».
En ce qui
concerne les sites basés en Europe, j'ai, toutes ces années, opposé la
directive européenne du 8 juin 2000, qui pose le principe du « pays
d’origine » - c’est au pays où l’entreprise a installé son siège que
revient le rôle de légiférer, or les sites sont installés en République
Tchèque ou à Chypre - au fait que les États membres de l'Union
européenne sont censés pouvoir prendre des mesures afin de garantir chez
eux l’ordre public, la protection de la santé publique, la sécurité
publique ou la protection des consommateurs. D'une part, une décision de
la Cour de justice européenne est attendue cette année. D'autre part,
le 6 mars 2025, la ministre de la Culture a pris un arrêté qui étend le
contrôle de l'âge à des plateformes établies dans d'autres pays
européens, et liste 17 sites basés à Chypre, en République Tchèque, au
Portugal, en Hongrie, aux Pays-Bas, au Luxembourg. La date d'application
de cet arrêté est fixée au 7 juin 2025 : à suivre de près !
Aujourd'hui,
trois grands sites pornographiques appartenant au groupe Aylo, menant
par ailleurs une procédure contre le contrôle de l'âge et le référentiel
technique auprès du Conseil d'État, ont annoncé cesser de diffuser
leurs contenus pornographiques en France sous 24 heures. Tel n'était pas
l'objectif de tout le travail mené qui consiste à vouloir protéger nos
enfants, mais c'est tant mieux. Si ces sites espèrent remporter
l'adhésion de l'opinion publique au nom de la liberté et rétablir le
flux de leurs images, ils se trompent.
Les adultes peuvent visionner
de la pornographie, il n'est pourtant plus pensable que ce soit au
détriment de la protection de nos enfants. Des solutions techniques de
contrôle de l'âge existent, il faut les mettre en œuvre. Peu importe les
stratagèmes et les menaces, peu importe le coût, seul compte l'avenir
de nos enfants.
Marie Mercier
Sénatrice de Saône-et-Loire