La décision du Président de la République de dissoudre l’Assemblée
Nationale va-t-elle faire rentrer massivement le Rassemblée National au
Palais Bourbon ? Risque calculé ou stratégie dans la perspective de
2027 ?
«De toute façon, si on ne fait rien maintenant, en 2027 ils seront à
l’Elyse !» C’est ce que l’on a entendu le plus souvent ces dernières
semaines de la part des opposants au Rassemblement National. Car «ils»
ce sont les élus du parti créé par Jean-Marie Le Pen. Le FN devenu RN
avec à sa tête Marien Le Pen et en embuscade Jordan Bardella, et
d’ailleurs pas seulement depuis dimanche soir et les résultats des
Européennes.
Cela fait plusieurs décennies que le FN puis le RN font
voler les pions sur l’échiquier politique. Dans ce qui peut ressembler
une partie d’échec, ou une partie de poker, le Président de la
République a donc décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale.
On ne
peut pas dire que tous les parlementaires de son camp ont accueilli la
nouvelle avec le sourire. Car tous ou presque savent que leur réélection
sera un vrai parcours du combattant, d’ici le 30 juin et le 7 juillet.
La
France partira en vacances avec une recomposition de l’Assemblée
Nationale où les couleurs du RN pourraient briller bien plus qu’après
les législatives de 2022. Avec le risque d’entrée dans une cacophonie
parlementaire rarement vue. Sauf à ce que le Rassemblement National
obtienne la majorité absolue – ce qu’il ne faut pas écarter – les
motions de censure de ses adversaires pourraient pleuvoir comme à
Gravelotte !
Mais justement, n’est-ce pas la volonté présidentielle
de prévoir de jouer le coup d’après. Comme avant lui François Mitterrand
et Jacques Chirac l’ont fait. Et comme, certains socialistes le
pensent, François Hollande aurait dû le faire quand il s’est retrouvé
face aux frondeurs qui l’ont empêché de se représenter et ont de fait
favorisé l’élection d’Emmanuel Macron…
On dit que comparaison n’est
pas raison et c’est vrai que la France de François Mitterrand, comme
celle de Jacques Chirac, ne sont pas celles d’Emmanuel Macron.
François
Mitterrand, selon l’expression, avait voulu «mettre le bazar à droite».
Jacques Chirac, s’était dit que pour être réélu en 2002, il lui fallait
lui aussi dissoudre. Une décision qui courrait dans les rangs des
parlementaires dès l’automne 1996. Une décision qui avait mis Lionel
Jospin et le PS au tapis, avant que le parti de Jaurès se relève en
2012.
Qu’est-ce qui a changé depuis. A l’échelle d’un septennat, de
2017 à cette année, la situation politique s’est dégradée. Jean-Luc
Mélenchon a introduit le dégagisme, a misé volontairement sur des
conquêtes communautaristes ; Les Verts ont fait de même en préférant des
causes communautaristes à celles de l’environnement, ce qui a déjà
causé leur perte en Suisse à l’automne 2023, dans l’indifférence totale
des médias français ; La droite ne sait plus depuis longtemps où elle
habite ; Et la Macronnie a les soucis des adolescents.
De sorte que
pour beaucoup l’air est devenu irrespirable ce qui a donc profité
dimanche à Jordan Bardella qui doit déjà en être à la composition de son
Gouvernement. Ca c’est le scénario que la classe politico médiatique
entrevoit. Sauf que ce sont les Français qui ont les bulletins de vote.
Et dès le 30 juin ils commenceront à décider en leur âme et conscience.
On commencera alors à percevoir qui a gagné la partie de poker, à moins
qu’il ne s’agisse que d’un avantage comme aux échecs. A voir si le coup
d'après est déjà... en marche !
Alain BOLLERY