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> Faits Divers > En Saône-et-Loire
09/01/2024 09:00
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AUTUN : A 47 ans, il cumulait alcool, cannabis, interdiction de conduire... Alors il a refusé d'obtempérer

Ses victimes : deux arbustes, un panneau de signalisation et le principe de sécuritén pour tous, sur les routes. Auteur : un natif d’Autun, âgé de 47 ans. L’homme est jugé ce lundi 8 janvier en comparution immédiate : chargé de deux litres de bière il a fait courir les gendarmes sur presque 2 kilomètres.
Le prévenu n’est pas ramenard. 47 ans, veuf depuis trois ans, fils unique, vit chez sa mère à Épinac, et visiblement, alcoolique depuis longtemps.

La scène relatée par le président (avec les précisions du ministère public)
Le 3 janvier vers 17 heures, une Twingo crisse des pneus sur le parking du supermarché Leclerc d’Autun. Le conducteur slalome entre les véhicules. Des gendarmes qui sont là, décident de le contrôler mais le chauffard les devance en quittant le parking à toute vitesse.
Les gendarmes le rejoignent vers la Croix Blanche, une école maternelle est à proximité... ils enclenchent le gyrophare et le deux tons...
Le conducteur accélère alors ! Monte sur un trottoir pour passer, grille un stop. Vers le rond-point du maréchal Leclerc, la Twingo s’enquille un ralentisseur si brutalement que le conducteur perd le contrôle de la voiture qui s’engage à contresens dans le rond-point, y percute deux arbustes et un panneau de signalisation. Le véhicule perd alors de la vitesse. Les gendarmes interviennent. Le conducteur est menotté puis placé en garde à vue.

La scène racontée par le prévenu en audition
Le matin il avait travaillé un peu chez des voisins, pour les aider. A 14 heures il a ouvert sa première bière. Puis la deuxième, puis la troisième, puis la quatrième. 500 ml x 4… C’est là qu’il décide d’aller à Autun s’acheter un téléphone portable.
Sauf que : depuis un mois il est exploité (il ne dit pas ça comme ça : il dit qu’une femme l’aide dans ce nouveau « travail » qui consiste à promouvoir des produits de différentes enseignes sur les réseaux sociaux et qui est rémunéré en USDT, soit une crypto monnaie) pour faire de l’animation sur les réseaux où il essuie (hélas, mais forcément) des commentaires odieux.
« Des messages de haine », dit-il, qui le rendent « un peu parano » et ça le fait « paniquer ». 
C’est ainsi qu’il renonce à l’achat du téléphone, sort du parking comme un pet sur une toile cirée, « et à un moment, je me suis retrouvé couché dans l’herbe, menotté dans le dos avec mes quatre chiens qui couraient dans tous les sens ».

Gyrophare, deux tons, quatre chiens qui aboient, un conducteur bourré. Quel tableau !
Il n’a pas entendu l’avertisseur sonore de la gendarmerie ? « Les chiens (quatre chiens ! ndla) jappaient dans la voiture, j’ai rien entendu. » Il n’a pas vu le gyrophare dans un de ses rétros ? Non. « C’était comme le brouillard » dit-il en plaçant ses mains de part et d’autre de sa tête.

Habitué de la CEA – L’alcool ? « Depuis tout p’tit »
10 condamnations à son casier dont plusieurs pour conduites sous l’empire de l’alcool (CEA), la première fois en 2015. L’alcool ?
« Depuis tout p’tit. Dans la famille c’est comme ça. » Il était positif aux stupéfiants aussi, au cannabis. 
Le président Madignier renvoie au prévenu l’image qui se dessine : « La société est un peu inquiète quand vous fumez (du cannabis), buvez, et prenez la fuite en voyant les uniformes, en sachant que vous n’avez plus le permis depuis un bon bout de temps... »
Le prévenu essaie d’expliquer qu’il voudrait de l’aide pour sa mère, afin qu’il ait « du temps » pour s’occuper de lui.

‘Monsieur est en danger’ versus ‘il met les autres en danger’
Il est 19h30 et les trois juges qui composent le tribunal basculent sur le volet social car la situation du prévenu le nécessite dès l’instant où à Epinac, une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer a besoin d’aide en tout, d’après son fils - lequel panouille bien à l’audience mais l’alcool et les stupéfiants font leur œuvre aussi, alors on voit que la situation est dégradée, difficile, mais…

Mais la vice-procureur reprécise le cadre, avec une véhémence adossée sur les éléments de réalité : « À force de vouloir être toujours trop égalitaire, à placer la situation du prévenu au-dessus, on en oublie le principal : les autres, qui n’ont rien demandé alors que monsieur est un danger pour tout le monde. »

« La route est un espace partagé »
Aline Saenz-Cobo reprend le PV des gendarmes, puis : « Monsieur a des difficultés, c’est sûr, mais c’est lui qui a conduit comme un fou furieux.
La route est un espace partagé sur lequel nous devons tous veiller à la sécurité. Sur le parking du supermarché, il fait un peu n’importe quoi mais il fuit délibérément dès que les gendarmes mettent en marche leurs avertisseurs. Le refus d’obtempérer est constitué. Il a 10 mentions au casier dont 5 pour des délits routiers. Il a déjà eu du sursis probatoire, et il coche toutes les cases : refus d’obtempérer, alcool, stupéfiants, pas de permis. »

« Il faut le mettre face à ses responsabilités »
La procureur poursuit : « C’est quelqu’un qui est dangereux. Alors l’inciter à penser que la justice peut comprendre qu’il a des problèmes, ce n’est pas le bon discours. Il faut le mettre face à ses responsabilités. C’est un délinquant routier. (…) La chance, c’est que les gendarmes étaient là et l’ont interpellé.

Mon problème c’est l’ordre public, le respect de la loi et la sécurité des gens. La mère de monsieur est malade et j’en suis désolée mais ce n’est pas notre problème. Monsieur se positionne comme victime. »
La magistrate requiert la peine déjà proposée, en fait, lors d’une CRPC-défèrement (peine alors refusée par le prévenu) : 3 mois de prison pour le refus d’obtempérer et 15 mois dont 8 seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, maintien en détention pour les mois de prison ferme soit 3+7.

« Tout seul il ne peut pas s’en sortir »
Maître Andali demande une relaxe pour le défaut de contrôle technique puisque la voiture appartient à la mère du prévenu. « Son gros problème c’est l’alcool et le cannabis. Tout seul il ne peut pas s’en sortir. Il faudrait une cure mais la situation de sa mère fait de lui un proche-aidant. Il faut une réponse adaptée pour lui permettre de se réinsérer. »

10 mois incarcéré puis deux ans de suivi renforcé
Le tribunal relaxe le prévenu pour le défaut de contrôle technique, le déclare coupable du surplus.
Le condamne à la peine de 3 mois de prison ferme pour le refus d’obtempérer, et à la peine de 15 mois de prison dont 8 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 mois avec des obligations de soins, de travailler et d’intégrer un dispositif d’accompagnement sanitaire et social.
75 euros d’amende pour le défaut de maîtrise de son véhicule. Maintien en détention pour 10 mois (3 mois + 7 mois).

Les urgences
Le président explique la peine au condamné. Ce fils unique se montrait inquiet que sa mère soit livrée à elle-même depuis son arrestation. Le président en tient compte : « En ce qui concerne votre mère, elle ne va pas rester seule. Des services vont s’en occuper en urgence. Pour vous, l’urgence c’est de vous occuper de vous. »
FSA