« Monsieur boit, l’insulte, mais il est en détention parce qu’elle l’a forcé à violer son contrôle judiciaire ?!? » a lancé l'avocat de la victime.
Cet homme, âgé de 60 ans, n’a pas de casier judiciaire. Il travaille. Il aurait pu être jugé relativement paisiblement mais il a enfreint le cadre de son contrôle judiciaire, alors il a été placé en détention provisoire. L’homme qui comparaît ce lundi 16 septembre, à l’audience des comparutions immédiates, a déjà fait deux mois de prison.
Alcool et déni
L’histoire est simple sur les faits mais embrouillée par nature : c’est l’histoire d’un couple qui manifestement s’est usé, du moins pour madame. Elle dit que le prévenu avait pris le pli de boire trop, qu’il ne cessait de la « baratiner » parce qu’il était dans « le déni ».
Elle dit que depuis 2015, année où elle a changé de poste au boulot et ne travaillait plus qu’avec des hommes, l’attitude de son compagnon a changé : il était maladivement jaloux et ça le rendait violent. Insultes, menaces, etc.
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
En 2023, elle a couché avec un autre. Le prévenu, lui, date son changement de comportement à partir de là. Il dit que la fidélité, pour lui, c’est fondamental et qu’il ne comprend pas « pourquoi elle a fait ça ».
Il dit aussi que dans la nuit du 10 au 11 juillet, alors que madame s’était réfugiée chez sa propre mère, à quelques kilomètres du domicile du couple, il est venu « pour comprendre », sauf qu’il avait bu et que les deux femmes ont eu peur.
Trois interventions la même nuit, dont l’une avec le PSIG
Cette nuit-là, les gendarmes de la compagnie d’Autun ont fait trois interventions à cause de lui. A la troisième il fut placé en garde à vue, puis présenté au procureur de la République, puis au juge des libertés et de la détention (JLD) qui a ordonné son placement sous contrôle judiciaire, le 12 juillet.
Quand la victime passe outre l’interdiction de contact qui pèse sur le conjoint
Oui mais voilà, l’interdiction de contact n’est pas respectée du tout. Certes le couple ne vit plus sous le même toit mais « on se voyait une fois par jour, on se faisait des petits bisous » dira madame après que l’alerte a été donnée. Elle avait même menti à l’association AEM, contrôleur judiciaire.
Sauf que l’interdiction pèse sur monsieur, du coup, s’il ne respecte pas ce cadre, eh bien il en fait les frais. Le contrôle judiciaire est révoqué sur le champ et il est incarcéré.
« Je ne savais pas que si elle venait (le voir, ndla), je devais appeler les gendarmes » se défend-il à l’audience, sans emporter l’adhésion du tribunal : deux magistrats successifs lui avaient expliqué le cadre du contrôle judiciaire et les conséquences possibles si jamais il jouait avec.
« Monsieur boit, l’insulte, mais il est en détention parce qu’elle l’a forcé à violer son contrôle judiciaire ?!? »
Le bâtonnier Varlet représente la victime, à l’audience. L’avocat se saisit de ce fil qui a tant exaspéré la procureur de la République : la mauvaise foi du prévenu (jouée ou sincère), et la retourne contre l’homme.
« Madame se sent coupable. Monsieur boit, l’insulte, mais il est en détention parce qu’elle l’a forcé à violer son contrôle judiciaire ?!? ‘Il n’admet jamais rien, il est dans le déni’, dit-elle. L’adultère c’est une sanction. Et monsieur arrive encore à dire que tout est de la faute de madame parce qu’elle l’a trompé. Elle demande une interdiction de contact, pour avoir la paix.
Rappel des interdits fondamentaux qui encadrent nos relations avec les autres
La présence d’une classe dans la salle jouerait-elle sur la violence des réquisitions ? Possible. En tous cas, le rappel de la loi est limpide : il est interdit de taper, interdit d’insulter, interdit de menacer. Tout cela la loi l’interdit parce qu’on doit le respect aux autres.
« Délinquance », « terrorisme conjugal »
Concernant le prévenu, la procureur parle de « délinquance » du fait de son comportement (tape, menace, insulte, casse), comportement dont il disait ne « pas savoir » qu’il était violent... ce qui est un peu fou, même s’il est né en 64 (avant que les femmes aient le droit d’ouvrir un compte bancaire à leur nom, droit voté en 65).
Elle parle aussi de « terrorisme conjugal » (jalousie, attaques quotidiennes, propos sur les tenues vestimentaires, etc.) Elle requiert une peine de 9 mois dont 4 mois seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec le maintien en détention pour les 5 mois ferme.
« Quand elle lui a envoyé un SMS, il a eu envie de la voir. Il n’a pas pris la mesure de ce qu’il faisait »
Maître Mariller ferme la marche et bien sûr insiste sur le fait que son client n’a jamais été condamné. L’avocate estime que la version de madame n’est pas fiable car « rien dans le dossier ne va dans ce sens ». « La tromperie de madame est à la base de tout ce qui est arrivé. Il avait des doutes, alors…. »
Sur les contacts malgré l’interdiction judiciaire : « Quand elle lui a envoyé un SMS, il a eu envie de la voir. Il n’a pas pris la mesure de ce qu’il faisait. » Maître Mariller demande « une peine adaptée ».
La présidente donne la parole au prévenu qui pleure depuis les réquisitions : « Je regrette ce que j’ai fait. C’est à vous de décider. »
Le tribunal le dit coupable et le condamne à la peine de 8 mois de prison dont 4 mois sont assortis d’un sursis probatoire (SP) pendant 2 ans, ordonne l’exécution provisoire : cela veut dire que les interdictions et obligations qui régissent cette mesure de SP prennent effet dès maintenant, ceci parce que la partie ferme de 4 mois (dont seront déduits les mois de détention provisoire) est aménagée en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE).
Interdiction de paraître sur deux communes
Il va donc sortir de prison, devra exécuter sa peine chez sa fille : il lui est interdit de paraître sur les communes de résidence de son ex-compagne (en principe) et de la mère de celle-ci. Interdiction de tout contact avec son ex (la procureur espère que madame a enfin compris le sens de cette interdiction).
Obligations de travailler, de suivre des soins en psychologie et en addictologie, et de suivre à ses frais un stage de sensibilisation aux violences conjugales.
Il devra verser 1 euro symbolique à son ex, en réparation des préjudices causés.
FSA