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> Faits Divers > En Saône-et-Loire
13/02/2024 03:17
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TRIBUNAL : Il s'était retranché dans l'Autunois Morvan après un refus d'obtempérer

Quand on en est à 5 refus d'obtempérer, ça pose question... Trouvera-t-il une réponse derrière les barreaux ?
Deux mois avant les faits, il était en prison. Il a « bénéficié » d’une libération sous contrainte, sans avoir préparé sa sortie. Résultat : alors qu’il n’a plus de permis de conduire, il est allé se réfugier dans une maison familiale à Chissey en Morvan, et une fois par semaine il conduisait jusqu’à Autun, « pour faire mes courses ».
On comprend les guillemets qui encadrent le verbe bénéficier, car la libération sous contrainte, si elle permet de libérer une place en prison (si on peut dire les choses ainsi) peut être désastreuse dans certains cas et celui-ci est exemplaire.

Il prend la fuite et se retranche chez lui
Soit un homme âgé de 31 ans. Grand dépressif et qui « vit en marge de la société » dira son avocat. Le 27 novembre dernier, il fait 27 kilomètres pour aller se ravitailler en ville. Les gendarmes veulent le contrôler. Il est sans permis, la voiture n’est pas assurée, n’a pas passé le contrôle technique. Il a bien vu et identifié les gendarmes mais il ne veut pas être incarcéré, alors il file. Il file chez lui ! Il se retranche à l’intérieur de la maison.
La situation mobilise « du personnel d’intervention et un médiateur » rapporte la présidente Catala. Au bout de plusieurs heures, il est enfin arrêté. Il s’est entaillé les veines… Il est d’abord opéré des tendons de l’avant-bras gauche et hospitalisé sous contrainte. Le 22 décembre il peut quitter l’hôpital psychiatrique, il est placé en détention provisoire.

C’est pas la joie
C’est ainsi qu’il est jugé, ce lundi 12 février, pour refus d’obtempérer, conduite sans permis, circulation sans assurance, défaut de contrôle technique, le tout en récidive. Célibataire, sans enfant, il perçoit le RSA, est dépendant de l’alcool et d’un état dépressif. Il a déjà fait des tentatives de suicide. C’est pas la joie, non. C’est même le désespoir par moments.

« Quand je suis sorti de prison, je me suis retrouvé à la rue »
En 2023, relève la présidente, il est condamné exactement pour les mêmes préventions, à 12 mois de prison avec mandat de dépôt. A quoi a servi cette peine ?
« Je sais pas quoi dire. Si, ça a servi, mais c’était compliqué là où je vivais, pour faire mes courses. Quand je suis sorti de prison, je me suis retrouvé à la rue. – Vous n’avez pas du tout travaillé votre sortie ? – Non. » Il sort et interrompt son suivi médical, il ne prend plus de traitement. « Je me suis laissé aller, en fait. »

« Personnalité mal structurée, dépression très importante »
L’expert psychiatre conclut à l’altération de son discernement. « Personnalité mal structurée, dépression très importante » écrit le médecin qui précise : « chez les déprimés il existe des possibilités de passages à l’acte auto et hétéro-agressifs ».
« Il s’est entaillé les veines, rappellera opportunément maître Lopez, mais il n’y a eu aucune violence, aucune insulte, à l’encontre des gendarmes. »

5ème refus d’obtempérer
Ça se peut, dit en substance la vice-procureur, mais c’est quand même « le 5ème refus d’obtempérer » de monsieur. Refus en 2019, en 2020, puis deux fois en 2023. Il sort de prison en septembre et remet ça deux mois plus tard. « On sait à quel point les risques que fait courir cette infraction sont réels et sérieux. »
Une classe d’élèves de 3ème assiste à l’audience, la magistrate rappelle donc ceci : « Vivre en société c’est nécessairement en accepter les règles et les lois, pour que cette vie en société soit possible. Monsieur doit s’y soumettre, et sinon il doit au moins se soumettre à l’autorité publique. »
Si elle « ne conteste pas les difficultés qui sont les siennes », madame Depetris note que bien que dans un état dépressif sérieux, « à aucun moment il ne perd contact avec la réalité », et requiert une peine de 12 mois dont 4 mois seraient assortis d’un sursis probatoire renforcé, et une peine de 6 mois pour le refus d’obtempérer : maintien en détention pour le ferme soit 8 + 6 = 14 mois.

« Pas de mise en danger de la vie d’autrui, pas de violences contre les forces de l’ordre »
« Il n’a pas de vie sociale, plaide Clément Lopez. Il reste chez lui et vivote. Et puis, une fois par semaine, il conduit pour aller faire des courses. » L’avocat insiste : certes la course-poursuite a duré sur 27 km, mais « pas de mise en danger de la vie d’autrui, pas de violences contre les forces de l’ordre. Et il avait commencé à s’entailler les veines. Il a pris la fuite par réflexe primaire. Il lui faut un accompagnement. »

Deux évacuations plus tard, la décision du tribunal
Le tribunal se retire pour délibérer, mais l’alarme retentit, il faut évacuer le palais de justice. On l'évacue à deux reprises, pour manifestement répondre à un exercice d’alerte incendie.
Le tribunal finit par revenir, dit l’homme coupable, retient l’altération du discernement, le condamne pour le refus d’obtempérer à la peine de 6 mois de prison, et pour le reste à la peine de 12 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis renforcé pendant 2 ans. Il a pour obligation d’intégrer le dispositif AIR (accompagnement individualisé renforcé, piloté par l’association AEM*), de se soigner, de travailler et de repasser le permis de conduire. Amende de 150 euros.
Le tribunal ordonne son maintien en détention pour les 12 mois de prison ferme.
FSA

* https://www.info-chalon.com/articles/chalon-sur-s...
« L’idée est d’intervenir sur tous les plans (logement, insertion familiale, sociale, professionnelle) avec une attention particulière à l’injonction de soins. Les multi-récidivistes représentent environ 40% des personnes qui comparaissent devant les tribunaux correctionnels, or « l'emprisonnement ne conduit de fait à aucune évolution de la plupart des auteurs parce qu'ils présentent le plus souvent une multiplicité de problématiques personnelles : addiction à l'alcool, au stupéfiants, désocialisation, etc. »