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> Faits Divers > En Saône-et-Loire
26/07/2024 08:35
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TRIBUNAL : Mais pourquoi donc avait-il jeté sa voiture contre la Mairie à Saint-Gervais sur Couches ?

«Monsieur sollicite des soins en détention. Ça fait deux mois et il n’y a rien eu du tout»... Il va donc continuer d'attendre derrière les barreaux... Même si «C’est trop difficile de « tourner en rond toute la journée»
L’homme âgé de 47 ans qui doit être jugé ce jeudi 25 juillet est responsable d’avoir « causé un émoi et un traumatisme conséquent pour cette petite commune, pour l’équipe municipale ». Maître Duquennoy parle de Saint-Gervais sur Couches.
Le 8 mai dernier, le prévenu a enfoncé le portail de l’enceinte de la mairie « avec sa voiture enflammée contenant des bouteilles de gaz » et s’est jeté contre la façade. Le président Marty n’en dira pas davantage car le parquet avait diligenté une expertise psychiatrique et celle-ci n’est pas faite.
L’expertise n’est pas obligatoire : les faits ne sont pas de nature sexuelle ; le prévenu n’est pas sous tutelle ou curatelle. Pour autant, tout le monde à l’audience s’accorde pour dire qu’elle est « nécessaire ». Pourquoi ?

Il avait développé une sorte de syndrome sécuritaire
L’homme allait mal, début mai. Si mal que sa compagne l’avait emmené à l’hôpital. Il avait pris la poudre d’escampette. Son état déjà inquiétant s’aggravait. Il s’était pris la tête avec un membre du conseil municipal. Il réclamait des réparations dans sa maison mais sans formaliser sa demande par écrit, ce motif d’irritation (de part et d’autre) servait de carburant à son sentiment de persécution.
Il se vivait comme un objet de mépris, déconsidéré, il le dit à l’audience, et en plus de ça avait développé une sorte de syndrome sécuritaire (avait posé « des caméras de surveillance factices » vers l’école). Bref, il tournait la carte.

« Un shérif est né. Je compte faire la loi »
Par messages il avait fait part à sa compagne de son intention d’en finir avec la vie, mais pas seulement puisqu’il parlait de « faire la loi ». « Un shérif est né. Je compte faire la loi. »
« Je n’étais plus moi-même », dit-il à l’audience.
Il dit aussi qu’il travaillait « dans le domaine de la sécurité ». Sans aller plus avant, le président observe qu’on a saisi chez lui, dans une pièce commune, un sac à dos contenant 2 bombes lacrymogènes, 1 pistolet à air comprimé, 2 couteaux, 1 gilet pare-balles. « C’est légal, maintient le prévenu, c’est pour mon travail. »
En fait, ça n'est pas légal, et puis, du travail, voilà un moment qu’il n’en avait plus. Il impute d’ailleurs son état mental et psychique par une trop longue période chômée.
Tout ça pour dire que sur ses intentions et la nature de ce qui les nourrit, rien n’est clair.

C’est trop difficile de « tourner en rond toute la journée »
« Je regrette et je demande pardon » répète-t-il. Au premier rang, le maire de la commune. Derrière lui, quelques membres de son équipe.
Le prévenu, lui, voudrait sortir de prison. Sa famille, toutefois, ne le laisse pas tomber et lui rend visite là-bas mais l’homme dit que c’est trop difficile de « tourner en rond toute la journée ». « Je suis déprimé, rien ne va, j’ai fait des demandes pour voir le psychiatre et un psychologue, mais rien… pas de rendez-vous. »

« Je pense que monsieur est un danger pour lui et pour les autres »
« Les motifs qui ont motivé le placement de monsieur en détention provisoire sont toujours d’actualité » dit maître Duquennoy qui intervient pour la commune.
« Je pense que monsieur est un danger pour lui et pour les autres, ajoute la représentante du ministère public. Le projet de « faire exploser » semblait mûri. Le danger demeure. » La substitut du procureur requiert le maintien en détention provisoire.

« Il y a une question médicale, dans ce dossier »
Pour être avocat, il faut du courage : savoir qu’il y a toutes les chances, si on peut dire, pour que son client reste en effet incarcéré mais aller jusqu’au bout, malgré tout, de ce qu’on a à dire.

Maître Andali s’y colle : « Je suis un peu désemparée quand on voit quelqu’un qui est en grande difficulté sur le plan sanitaire, et qu’on ne peut pas le faire hospitaliser. » L’avocate évoque ce qu’elle entend quand elle intervient au CHS, qui motive l’internement : « idées suicidaires, paranoïa, propos délirants ». « Il y a une question médicale, dans ce dossier. »

« Monsieur sollicite des soins en détention. Ça fait deux mois et il n’y a rien eu du tout »
La sœur du prévenu, qui vit loin d’ici, propose d’héberger son frère d’ici son jugement et lui a d’ores et déjà pris deux rendez-vous chez un psychiatre.
« Depuis le 30 mai, monsieur sollicite des soins en détention. Ça fait deux mois et il n’y a rien eu du tout. En plus l’expert n’a pas voulu se déplacer, et c’est pour ça qu’on renvoie en septembre. » Elise Andali ne lâche pas le morceau. « Il n’a pas de casier, ce n’est pas un délinquant. Il a besoin de soins. »

« Discours interprétatif et persécutoire qui dépasse la simple intention suicidaire »
Le tribunal le sait bien mais ordonne le maintien en détention provisoire du prévenu, compte-tenu « d’un discours interprétatif et persécutoire qui dépasse la simple intention suicidaire ».
En l’absence d’expertise psychiatrique (« dont vous n’êtes pas responsable » dit le président au prévenu), le tribunal ne prend pas le risque que l’homme puisse alimenter son moulin (en plus l’actualité est très branchée sur les risques d’attentats, ça ne peut pas faire de bien, ndla) et éventuellement dévisser de nouveau. Renvoi au 5 septembre, le tribunal désigne un autre expert.
FSA